1h30 du mat’, le bus s’arrête. Car oui, c’est à cette heure-là que nous passons la frontière Pérou-Equateur. C’est donc l’œil cerné et l’haleine pas très fraîche que nous allons faire tamponner notre passeport pour la dernière fois du voyage. Pas si facile, car nous devons d’abord faire la queue pendant une heure dans le poste de l’immigration, au milieu des cafards volants, qui trouvent un malin plaisir à se poser sur les épaules des gens…

Après une courte nuit dans le bus, nous arrivons donc à Cuenca au petit matin sous un soleil radieux, et partons à la recherche d’une auberge. Nous passons au dollar, et, à notre grand désespoir, les prix sont bien plus élevés qu’au Pérou… Nous trouvons tout de même une auberge abordable dans le centre historique, et, après y avoir déposé nos bagages, partons à la découverte de cette jolie ville coloniale où tout se visite à pied. Nous déjeunons pour peu cher à l’étage du marché de fruits et légumes de la ville, seules touristes au milieu des habitués et des cochons éventrés… Nous apprécions ensuite les abords calmes de la rivière, l’architecture admirable des bâtisses et le savoir-faire des ateliers de chapeaux Panamas (c’est ici que sont vraiment confectionnés ces fameux chapeaux). Le lendemain, nous pique-niquons sur les berges de la rivière et travaillons un peu en attendant de prendre le bus qui nous amènera à Puerto Misahualli, en Amazonie.

Nous sommes ravies de fouler enfin les terres de la plus grande forêt du monde, après l’avoir tant de fois contournée. Mais y parvenir n’est pas si simple. Car ce n’est pas moins de 4 bus que nous devons prendre avant de pouvoir enfin y parvenir ! Mais une fois arrivées, le périple est vite oublié : nous atterrissons dans un petit village à l’embouchure de deux grandes rivières (rio Misahualli et rio Napo), dont la place centrale est envahie par une horde de macaques, qu’Hélène ne se lassera pas de contempler. Sous la chaleur humide, nous nous laissons guider jusqu’à une auberge dans la périphérie du village (à environ 100 mètres de la place centrale), où nous prenons rapidement possession des hamacs installés sur la terrasse. Nous partons ensuite passer l’après-midi sur la plage de sable fin du village, sur la rive du rio Misahualli. Cela peut paraître paradisiaque… Si l’on ne mentionne pas l’attaque sanglante –au sens propre- des moustiques à la tombée de la nuit ! Leçon retenue, le lendemain, c’est armées de nos produits anti-moustiques tropicaux que nous partons à la conquête de l’arbre Ceibo, un arbre millénaire au tronc et à la taille gigantesques, et des cascades naturelles au milieu de la forêt. Pour y parvenir, nous remontons le cours de la rivière en longeant ses abords boueux sur les pierres glissantes. Il n’en faut pas plus à Maud pour nous offrir une chute quasi chorégraphique qui se terminera les fesses dans la boue ! Plus de peur –et de rire- que de mal, nous reprenons notre ascension jusqu’à la cascade. Arrivées en haut, nous nous asseyons pour contempler le spectacle. Nous nous sentons l’âme d’aventurières, nous sommes seules… jusqu’à ce que deux silhouettes se profilent dans la forêt : un enfant et un homme avec à la main un couteau à la lame d’au moins 50cm. L’homme pose son couteau –où devrait-on dire sa machette ?- contre un rocher et se rapproche de nous pour nous serrer la main. Inquiètes, nous nous rassérénons en le voyant se déshabiller avant d’aller plonger dans la cascade. Nous redescendons prudemment et finissons cette belle journée épuisées, mais ravies. Le lendemain, il pleut. Pas une petite brise, non, une pluie torrentielle, qui nous oblige à reporter au lendemain la descente en rafting prévue. Bloquées dans notre auberge, nous nous remontons le moral à coup de belles phrases : « sans cette pluie, rien ici ne serait si beau de toute façon », « et puis ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle « rainforest » cette forêt » … Bien reposées, nous nous levons à l’aube le lendemain pour faire la descente en rafting. Première surprise, le « rafting » n’est en fait autre que le petit bateau gonflable bleu et jaune qui trône dans l’agence. Deuxième surprise, il n’y a que deux petites rames jaunes, dont l’une se plie en angle droit au niveau du manche et l’autre « a été mangé par une souris ». Troisième surprise, nous n’avons pas de casques. Avec la pluie de la veille, le niveau de la rivière est monté et le courant nous paraît assez fort… C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour Marion : elle décide de ne pas faire la descente et reste sur le rivage en regardant Hélène et Maud partir à la dérive sur les flots du rio dans le petit bateau. Ces dernières, accompagnées du guide, se laissent porter par le courant (pas si fort que ça au final) et profitent du paysage. La rivière est bordée d’une végétation luxuriante où se dessinent des raies de brume parallèles au cours de l’eau. Le spectacle est grandiose, et la pluie qui s’est mise à tomber se laisse même oublier. La descente dure environ une heure et prend fin au niveau d’une communauté indigène qui vit dans la forêt, à quelques kilomètres en descendant la rivière de Puerto Misahualli. Le guide y appelle « una canoa » (sorte de pirogue à moteur), seul moyen de transport disponible pour rentrer au village. Pour faire passer l’attente dans le froid, un guide vivant dans la communauté s’approche d’Hélène et Maud et leur propose une infusion à base de plantes natives. « C’est de l’alcool ? » blague Hélène. Mais le guide le prend au pied de la lettre et rajoute à l’infusion un liquide brun au goût extrêmement fort. Pas moyen de savoir ce dont il s’agit mais nous buvons le tout (car sait-on jamais, ne pas le boire aurait pu être pris comme une offense). Le guide revient ensuite vers nous avec un morceau de bois creusé où stagne une substance bleuâtre. Il en induit un morceau de bois aiguisé et commence à dessiner sur le bras de Maud, qui n’avait rien demandé, le « symbole de la vie ». Hélène, moins chanceuse, n’aura qu’une simple fleur dessinée sur le mollet. Nous rentrons ensuite au village en pirogue (notre bateau de compétition bleu et jaune chargé avec nous) et c’est contentes que nous retrouvons Marion avant de reprendre le bus en direction de Quito.