Carnet de voyage #8 - Pérou
Pour voir les photos de notre mois passé au Pérou, cliquer ici et ici, ou là pour voir la vidéo !
Ce que l’on a visité : Puno et ses îles, Amantani et Taquile, Cuzco (le coup de coeur au Pérou!), le classique mais immanquable Machu Picchu, Lima la grise, Chavin de Huantar et son site archéologique, un bref passage par Trujillo - très coloniale - et une pause bien méritée à Mancora, près de la frontière équatorienne.
Ce que l’on a mangé (et bu) : le ceviche, ce délicieux plat de poisson cru assaisoné, probablement le mets le plus célèbre du Pérou, le Tacu Tacu, à base de riz et de flageolets, "lomo saltado", "aji de gallina", "leche de tigre" (lait de tigre), les chips de banane, le très péruvien Inka Cola et bien sûr le Pisco !
Ce que l’on a adoré : au risque de paraître originales, nous sommes tombées sous le charme du Machu Picchu... Mais nous avons aussi eu un coup de coeur pour la ville de Cuzco, les promenades dans Chavin, au creux des montagnes, et la gastronomie péruvienne, qui ne faillit pas à sa réputation !
Ce que l’on a moins aimé : le ciel gris de Lima, son traffic chaotique et étourdissant, la gelatine verte en dessert.
Ceux que l’on a rencontré : Thomas, que l'on a fini par retrouver, Jesus, le couchsurfer-guide de Cuzco et son ami Ismael, les voyageurs de la Casona de Rick : Manu, Mati, Carla, Rumba, Arena, Cesar, Guillaume..., Rick lui-même, Arturo, le couchsurfer qui adorait le Moyen-Age, Estefany la Vénézuelienne, Cynthia et Carlos, nos entrepreneurs au grand coeur, Silvana, Julieta et Cecilia, l'équipe MakeSense de Lima, Hélène, stagiaire à Lima pour une ONG qui aide les femmes entrepreneurs, Cesar, Giacomo et Frank du réseau Slow Food, Sylvain Darnil, l'auteur de 80 hommes pour changer le monde, et sa femme Adèle, Juan-Carlos, Luis et Joseph de la Casa de la Juventud Solidaria, Liz du restaurant La Chakra, Maria Elena qui tient une école pour élèves handicapés, Eduardo, le couchsurfer de l'extrême, mordu de parapente.
Quelques chiffres :
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1716 : le nombre de marches à gravir pour arriver au Machu Picchu
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3 : le nombre de lectrices gagnées par Isabelle Allende
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40° : la température du dernier bus de nuit que l'on a pris
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400€ : le montant que Maud a dépensé à la clinique pour ses examens médicaux... Vivement le remboursement de l'assurance !
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1 : le nombre de mois qu'il nous reste en Amérique du Sud après le Pérou (multipliez le par 10 et vous aurez une estimation du nombre de coeurs brisés par Hélène dans ce pays)
Mercredi 17 juin, nous arrivons enfin au Pérou ! Difficile de réaliser que nous attaquons déjà notre sixième pays, d’autant plus que le passage de la frontière n’est pas très dépaysant… Une fois nos passeports dûment tamponnés et le trajet de bus écoulé, nous arrivons à Puno, où nous attendons Thomas, un Français croisé côté bolivien à qui nous avions donné rendez-vous sur l’Isla del Sol, sans jamais l’avoir retrouvé. Alors que nous préparons notre excursion du lendemain sur les îles péruviennes du lac Titicaca, Marion rate un trottoir et se tord la cheville… Heureusement, elle va un peu mieux le jour suivant, et nous partons à l’assaut des îles en compagnie de Yann et Thomas. Le bateau s’arrête d’abord sur une île flottante, d’une soixantaine de mètres carrés, recouverte de paille. Ça fait un drôle d’effet de contempler ce rectangle jaune, au beau milieu du lac, et encore plus d’y poser le pied : le sol est spongieux, on a l’impression de s’y enfoncer. Les habitants, qui se sont empressés d’enfiler leur costume traditionnel en nous voyant arriver, nous accueillent et nous livrent une triste mise en scène pour nous expliquer la formation de l’île et leur mode de vie (si tant est qu’ils y vivent vraiment, on a comme un doute). L’endroit aseptisé et l’insistance qu’ont les femmes à nous vendre leur artisanat nous mettent mal à l’aise, et nous sommes ravies de prendre le large. Nous arrivons en fin d’après-midi à Amantani, une île solidement ancrée cette fois, où nous avons prévu de camper plutôt que de passer par le circuit touristique. Nous montons le camp en hauteur, à l’abri du vent, avec une vue imprenable sur le lac. Nous partons sur un autre versant de l’île pour y admirer le coucher du soleil. C’est un échec, il est caché par un énorme nuage gris ! Nous repartons au camp nous réchauffer au coin du feu (si vous avez lu nos précédents carnets de voyage, alors vous saurez que ce n’est pas nous qui l’avons fait…). Le temps se gâte et l’orage que nous avions vu éclater sur la baie se rapproche. Après un dîner sommaire, nous nous protégeons sous la tente, jouons aux cartes à la lumières des lampes frontales et finissons par regarder Astérix et Obélix Mission Cléopâtre. On a beau être à l’autre bout du monde, la culture française unit au-delà des frontières ! Au réveil, le lendemain, nous démontons les tentes et gagnons le ponton de bonne heure. Nous repartons en bateau et nous arrêtons sur Taquile, une île superbe, que nous mettons un moment à gravir. Fatigués, nous passons tout notre temps en terrasse, à regarder la baie et nous rassasier de délicieuses « trucha a la plancha », un plat typique à base de truite. De retour sur la terre ferme, nous quittons Yann et Thomas à regret et prenons le bus pour Cuzco. Nous arrivons à 5h du matin, attendons quelques heures à la gare puis sur la Plaza de Armas, la place principale de la ville. Nous sommes immédiatement saisies par le charme du lieu ; de grands bâtiments immaculés, ornés de balcons de bois délicatement ciselés qui s’en détachent avec harmonie. Jesus, notre couchsurfer, vient nous y retrouver avant de nous emmener chez lui déposer nos affaires. Depuis notre arrivée, les rues se sont animées et remplies d’une foule de Péruviens aux costumes chamarrés, de lamas, de chèvres et de chars richement décorés, prêts à défiler à l’occasion de la fête du Soleil qui aura lieu quelques jours plus tard, le 24 juin. Mais chez les Péruviens, les festivités commencent tôt : celles-là se préparent au moins deux semaines à l’avance. Comme pour le Gran Poder en Bolivie, nous arrivons pile au bon moment ! Jesus nous emmène ensuite déjeuner au marché San Blas avec son ami Ismaël, dans un petit resto végétarien, où nous mangeons un copieux plat du jour accompagné d’un thé au gingembre. L’estomac bien rempli, nous arpentons la ville en suivant Jesus (ce qui n’est quand même pas donné à tout le monde !), qui est tout bonnement adorable. Il nous comble d’information sur l’histoire péruvienne, la civilisation Inca, l’architecture de Cuzco… C’est un puits de culture, et il n’a que 20 ans ! Au gré de notre promenade, il attire notre attention sur les fondations des édifices, inclinées et recouvertes d’énormes blocs de pierre savamment découpés – fruit du travail des Incas – qui donnent une esthétique agréable à cette ville vallonnée. Nous partons ensuite en quête de billets pour le Machu Picchu (petit conseil aux voyageurs : n’écoutez pas les agences qui vous disent que vous ne pouvez pas organiser votre visite seuls, c’est faux) et allons boire un jus de fruit frais dans le joli patio d’un restaurant végétarien (encore un !). Le soir, nous invitons Jesus à diner dans le petit restaurant chino-péruvien en bas de chez lui, puis Marion et Hélène l’accompagnent sur la place centrale où se déroule une grande fête avec feux d’artifice car c’est la veille du solstice d’hiver (pas de fête de la musique au Pérou, ils ont déjà un calendrier bien chargé). Pendant ce temps, Maud avance sur le montage de la vidéo Bolivie. Nous allons nous coucher dans la minuscule pièce où vit Jesus, qui détient sans doute le record de la plus petite surface habitable de tout le pays ! Et malgré ça, il a la gentillesse de nous accueillir…
Le jour suivant, de bon matin, Jesus nous propose d’aller nous promener dans les hauteurs de Cuzco et visiter un site archéologique, un temple inca dédié à la lune. Nous grimpons un bon moment avant d’arriver sur le site. Il y a du monde, alors nous nous asseyons dans l’herbe pour discuter et Jesus nous fait faire un exercice d’introspection quasi chamanique. Il nous dit ensuite de ne pas en parler, c’est pourquoi nous n’en dirons pas plus. Mais promis, pas de décotion hallucinogène dont on entend si souvent parler en Amérique du Sud ! Nous pénétrons finalement dans le temple, en suivant le serpent de pierre (l’un des trois animaux pilliers de l’empire inca, avec le puma et le condor). Là, un simple autel de pierre – qui ne servait pas aux sacrifices mais aux offrandes, nous assure Jesus – sur lequel baigne un halo de lumière qui provient du plafond de la grotte. On imagine très bien l’effet mystique que doit générer la lueur de la lune dans ce lieu sacré. Nous montons ensuite en haut de la butte pour admirer la vue sur la vallée. Le paysage nous laisse rêveuses, et nous découvrons un champ de quinoa, bien loin de ce que nous avions imaginé… Un camaïeu de fleurs jaunes, oranges, rouges et pourpres. Nous regagnons les rues animées de Cuzco où le carnaval bat son plein. L’après-midi, nous travaillons et nous reposons, pour être en plein de forme le lendemain, quand nous partirons pour le Machu Picchu.
Machu Picchu. Inutile de décrire notre excitation à l’idée de visiter ce site mythique ! Elle retombe un peu au moment de partir, car le bus supposé venir nous chercher a délibérément ignoré l’adresse de rendez-vous et nous craignons qu’il parte sans nous… Finalement nous le retrouvons et embarquons, d’abord bringueballées par les virages en épingle à cheveux, puis secouées sur les chemins de terre. Une fois arrivées à Hidroeléctrica, nous nous mettons en marche pour Aguas Calientes, où nous passerons la nuit. La promenade le long des voies ferrées est superbe, bien qu’encombrée car nous ne sommes évidemment pas les seules sur place. Les montagnes laissent parfois place à la forêt, nous empruntons des ponts pour traverser ruisseaux et torrents. Le temps est au beau fixe, et nous profitons pleinement de la douceur de l’air, qui nous change de nos froides nuits en altitude. Nous arrivons à destination peu avant la tombée de la nuit. Heureusement, le camping municipal dont on nous avait parlé existe bel et bien (on a parfois des doutes sur les infos qu’on nous dispense). Nous montons la tente et nous couchons à une heure record : 18h30 ! À 3h30, le réveil sonne. Petit déjeuner dans l’obscurité la plus complète, nous nous rendons aux portes du site, prêtes à entamer l’ascension à 4h, comme on nous l’a vivement recommandé. C’était sans compter l’ouverture des portes, qui a lieu à 5h. Bon. Nous patientons devant la grille, avec pour seul mérite d’être les premières arrivées ! Une heure plus tard, nous franchissons l’enceinte des lieux et nous voilà en pleine nuit, progressant sur le sentier qui mène à l’un des sites les plus célèbres au monde. Nous sommes rapidement devancées par des dizaines de visiteurs, plus sportifs que nous. Il faut dire que l’ascension est loin d’être de tout repos : 1716 marches irrégulières à gravir, on imagine que les Incas avaient une sacrée forme physique ! Une heure plus tard, Marion et Hélène atteignent la billetterie et se demandent où est Maud. Celle-ci, terrassée par l’effort physique et à la limite de la crise d’apoplexie, imagine mille et une excuses pour expliquer son retard. « J’ai du m’arrêter et aider un enfant à monter en le prenant sur mon dos », ou encore « je suis tombée dans un ravin et j’ai sauvé un bébé condor coincé sous une racine ». Mais c’est peine perdue, elle arrive à bout de souffle et rouge comme une pivoine, les autres ne sont pas dupes. Une fois réunies, nous entrons sur le site, déjà envahi par une horde de touristes aussi émerveillés que nous. Il faut dire qu’elles ont du cachet, ces ruines incas… Pour commencer, nous grimpons (au grand désespoir de Maud) à la Porte du Soleil, qui petit à petit s’infiltre à travers les montagnes et innonde la cité. Le spectacle est à couper le souffle (littéralement, après la montée…), et nous prenons un second petit déj, les pieds dans le vide, abasourdies par la vue qui s’offre à nous. Nous nous promenons, allons voir le Pont de l’Inca, en fait un escalier gravé dans la roche (sans l’ombre d’un Sniper…) qui longe la falaise, sur lequel on ne s’aventurerait sous aucun prétexte. Nous profitons une dernière fois de la vue imprenable qui surplombe le Machu Picchu (et prenons les photos qui s’imposent) avant de redescendre nous promener à travers les vestiges de cette cité inca, incroyablement bien préservés. Malheureusement, nous devons nous hâter de sortir car il nous faut au moins 3h de marche pour regagner Hidroeléctrica où nous attendra le bus. Avant de sortir, nous tamponnons dûment nos passeports, preuve irréfutable de notre passage sur le site sacré. Nous pique-niquons dans la descente, et 1716 marches plus tard démontons la tente avant de reprendre le chemin qui longe la voie ferrée. Le trajet de bus, aussi inconfortable qu’à l’aller, nous parait encore plus long. Surtout quand le chauffeur s’arrête et demande aux passagers de remettre leurs chaussures, incommodé par l’odeur de pied qui embaume le bus. Marion et Hélène, directement visées, s’empressent de les remettre, le plus discrètement possible pour ne pas attirer l’attention. En vain, car leur voisin est hilare.
Nous arrivons à Cuzco, épuisées, et récupérons nos affaires en coup de vent chez Jesus avant d’aller poser bagages à l’auberge Frankenstein. Une excellente surprise, car l’endroit est propre, sympa, et pour le moins original. Le soir même, la fête bat son plein mais nous sommes bien trop fatiguées pour en profiter. Le lendemain c’est le fameux Inti Raymi, la fête du Soleil, le 24 juin. Elle devrait normalement avoir lieu le 21, pour le solstice d’hiver, mais la culture péruvienne a préféré faire un amalgame qui combine cette tradition inca avec la Saint Jean, apportée par les colons espagnols. À 17h30, nous prenons le bus pour Lima. Seulement 22h de trajet, une bagatelle. Il n’y a pas grand monde à bord, ce qui nous permet de dormir étalées sur plusieurs sièges. Nous arrivons chez Rick en fin d’après-midi. C’est un couchsurfer pas comme les autres, qui nous a été recommandé par Florine et Robin, nos copains du Rise Project (nous vous recommandons vivement d’aller voir leur site si l’entrepreneuriat social vous intéresse). Rick (Ricardo), dispose d’une grande maison où il loge des voyageurs, avec une contribution symbolique de 5 soles (soit moins de 2€) par nuit. La Casona – le nom de ce repère de backpackers au long cours – a pour vocation de devenir une maison culturelle capable d’accueillir toute sorte d’événements et ateliers culturels et créatifs. C’est un projet qui évolue avec le temps, mais Rick souhaiterait lui donner un cadre légal pour pérenniser son activité. Nous débarquons dans cette maison aux allures de squat, où vivent familles, couples et voyageurs en solo. Nous montons la tente sur le toit, là où il y a de la place, et nous amusons de l’ingénieux système de jetons conçu par Rick, qui permet à chacun de payer sa consommation de gaz et d’eau chaude en les insérant dans de petits boitiers qui s’illuminent pendant la durée d’utilisation des commodités. On regrette seulement les décharges électriques sous la douche. L’endroit est sympa, les gens adorables (ce qui n’est pas vraiment notre cas puisque, harrassées par le voyage, nous avons perdu toute velléité sociale), il manquerait juste un bon coup de ménage pour rendre la maison vraiment charmante. Nous n’avons toujours par rencontré Rick, qui travaille pendant la journée, et n’avons pas le courage de l’attendre. Nous sombrons dans le sommeil en dépit de la fête qui a lieu sur le même toit, à quelques mètres de nous. Le lendemain, c’est l’heure d’un premier bilan : Lima semble être une ville bien austère… Après un si grand coup de cœur pour Cuzco, nous rechignons à adopter la capitale. Ici tout est gris. Le ciel, la rue, les immeubles… On nous avait prévenu, pourtant, mais il va falloir nous y habituer car nous sommes là pour au moins dix jours, puisque nous allons travailler pour Empanacombi, une entreprise limenienne d’empanadas (ces petits chaussons frits et fourrés aux légumes, à la viande ou au fromage) qui emploie des personnes en situation de handicap. Nous allons prendre un petit déjeuner à Miraflores, quartier hype de Lima. Maud part à la clinique pour un mal de ventre qui persiste depuis 10 jours (rien de grave, heureusement), tandis que Marion et Hélène partent à la découverte du quartier de Barranco. Retrouvailles quelques heures plus tard à la Casona, où nous discutons avec les autres voyageurs (cette fois sous un meilleur jour) et rencontrons enfin Rick, cet ange-gardien des nomades, charmant. Nous lui recommandons de se mettre en contact avec la Casa de los Ningunos, cette maison communautaire où nous avions passé quelques jours en Bolivie. Lorsque nous lui parlons de notre projet et de nos événements, Rick nous propose immédiatement d’utiliser l’espace de la Casona ! Le lendemain, nous déménageons chez Arturo, un autre couchsurfer de Lima. Il a un grand appartement à Surco, un quartier plus cossu que Breña, où il accueille lui aussi des voyageurs. D’ailleurs, en arrivant, nous rencontrons Estefany, une Vénézuélienne qui vit en Colombie et vient passer le weekend au Pérou. Nous parlons voyages - classique - dans le salon d’Arturo, étrangement décoré d’objets moyenâgeux : blasons, côte de maille, armures et épées côtoient l’écran géant, la PlayStation et quelques instruments de musique. C’est un sacré personnage, aux multiples facettes ; à 28 ans il vient d’écrire un livre et a décidé de partir au Canada reprendre ses études. L’après-midi, nous avons rendez-vous avec Cynthia, la fondatrice d’Empanacombi, et Carlos, chargé de la communication. Empanacombi est notre 6ème entreprise sociale. En plus d’être vectrice d’inclusion, l’entreprise propose des recettes originales qui rendent hommage à la cuisine péruvienne. Nous arrivons plaza San Miguel, un quartier terrible de Lima où se succèdent centres commerciaux et grandes enseignes dans le chaos infernal de la circulation, sous un ciel désespérément gris. Notre rencontre avec ces ESG (Entrepreneurs Sociaux Génialissimes) nous donne envie de nous mettre au travail le plus vite possible ! Nous apprenons qu’en plus de leur offre destinée au grand public, Empanacombi propose un service de traiteur aux entreprises, et ne se contente pas d’y distribuer ses empanadas : de jeunes handicapés qui jouent de la musique sur des caisses en bois et chantent en langue des signes viennent produire un spectacle de qualité auprès des employés. Nous découvrons leurs vidéos, émues devant leur parcours et leurs accomplissements. Malheureusement, Empanacombi flirte avec l’équilibre financier. Il est bien sûr hors de question pour eux de licencier des employés, il leur faut donc trouver de nouvelles sources de revenus. Ils ont pensé à investir dans de petits stands amovibles afin d’augmenter leurs points de ventes, et nous leur proposons de leur préparer une campagne de crowdfunding pour financer cet investissement. Ils sont ravis et nous aussi, mais nous devons courir à notre rendez-vous suivant, juste à côté, avec les filles de MakeSense. Pour la première fois dans les annales du Food Sense Tour, nous organisons une MKSRoom, un événement destiné à relier l’art et l’entrepreneuriat social au travers d’interviews informelles en direct. Nous retrouvons donc Silvana, Julieta et Cecilia, trois Péruviennes qui animent la communauté MakeSense à Lima. Le rendez-vous est un peu stérile, et ça aussi, c’est une première. Il faut reconnaître que le concept de la MKSRoom est un peu difficile à saisir la première fois, et nous repartons avec l’impression d’avoir tourné en rond. Surtout que nous avons un problème de taille que nous n’avons pas réussi à régler : l’horaire que nous avions prévu pour l’événement coïncide avec la finale de la Copa Americana, le tournoi de football dont les Péruviens sont fanatiques. Si nous ne changeons pas de date, personne ne viendra… Heureusement, Silvana prend les choses en main. Les filles nous accompagnent ensuite au point de vente fixe d’Empanacombi, que nous dévalisons avant de rentrer chez Arturo, les bras chargés d’empanadas pour tous les goûts. Il nous présente ses copains, Alvaro, Victor et Andre, avec qui nous passons la soirée à discuter du Pérou, de Lima, qu’eux-mêmes ont hâte de quitter (comme Andre qui veut partir vivre en Uruguay parce que les filles y sont plus sympas). Le lendemain, dimanche, nous sommes épuisées et passons la journée à regarder des films avec Arturo, jusqu’au soir, chose qui ne nous était jamais arrivée depuis le début du voyage !
Pour commencer la semaine, nous retrouvons José, un Péruvien croisé à Buenos Aires puis aux chutes d’Iguazu, qui nous offre de nous promener dans la ville avec ses amis avant d’aller voir le match Pérou-Chili en demi-finale. Nous commençons par déjeuner dans le nouveau resto d’un de ses amis, dont la carte présente une liste sans fin de spécialités péruviennes. Les assiettes sont copieuses, bien présentées, et c’est un vrai régal ! Il faut dire que la cuisine péruvienne est réputée dans le monde entier. Nous partons ensuite nous promener dans le centre, près de la Plaza de Armas, où l’effervescence gagne déjà les supporters en vue du match. La place est superbe, et nous sommes ravies de découvrir Lima sous un autre jour. La Cathédrale, la résidence épiscopale et le palais du gouvernement encadrent la place, animée par une foule blanche et rouge qui scande à tout va des slogans d’encouragement pour son équipe. La traditionnelle rivalité qui existe entre le Pérou et le Chili rend l’enjeu encore plus important. José et ses copains nous emmènent dans un bar où nous sommes témoins d’une effusion de joie sans commune mesure lorsque le Pérou marque son premier (et dernier) but. On croirait à une émeute. En revanche, quand la défaite s’annonce inéluctable, un silence amer s’abat sur le bar, sur la rue, seulement ponctué par quelques insultes envers les Chiliens. Bon.
Le mardi, après avoir passé la journée à travailler, nous nous rendons au restaurant La Chakra, où nous organisons un SenseDrink. C’est aussi un prétexte pour rencontrer Liz, la créatrice de ce resto spécialisé dans l’alimentation consciente, que nous souhaitons inviter comme entrepreneur pour la MKSRoom. Après nous avoir raconté son parcours, elle accepte de participer. Cynthia et Carlos d’Empanacombi nous rejoignent, ainsi que Rick de la Casona : c’est l’occasion parfaite de créer des liens entre eux et les filles de MakeSense, Silvana et Julieta, et le contact passe bien ! En sortant, nous croisons Thomas, le Français rencontré à Uyuni, totalement par hasard. Mercredi soir, nous rencontrons Sylvain Darnil, l’auteur de 80 hommes pour changer le monde. Comme nous, il a voyagé à la rencontre d’entrepreneurs sociaux, mais à travers le monde entier et pendant bien plus longtemps ! Il nous invite à diner avec sa femme, Adèle, dans leur belle maison à Surco. C’est un plaisir de rencontrer ces deux Français et de manger un bon repas qui nous rappelle la maison. Nous passons une excellente soirée, puis retournons dormir cette fois à Breña, chez Rick, pour ne pas trop envahir Arturo. Guillaume, l’autre Français de la Casona, nous apprend qu’il y a une épidémie de chikungunya en Équateur en ce moment. Aïe...
Le lendemain, nous retrouvons Thomas pour le déjeuner. Nous nous promenons le long du littoral, bien aménagé mais triste ; on ne distingue pas l’horizon entre le ciel et l’océan, qui se confondent dans un nuancier de gris. Nous nous promenons à Barranco, un chouette quartier de Lima, puis nous souhaitons bon voyage à Thomas car nous avons rendez-vous à la Casa de la Juventud Solidaria pour préparer la MKSRoom. C’est une maison dédiée aux jeunes créatifs qui accueillera l’événement. Nous rencontrons ses occupants, notamment Luis et Juan-Carlos. La réunion est rapide, efficace, nous sommes ravies de travailler avec eux. Le vendredi, nous organisons un Hold-Up pour Empanacombi. On ne s’arrête plus ! Il y a peu de participants malgré un grand nombre d’inscrits, sans doute à cause du match Paraguay-Pérou qui a lieu au même moment. Cette fois-ci, le Hold-Up a lieu dans une Université, la Universidad del Pacifico, avec laquelle l’ESCP (notre école de commerce) dispose d’un accord d’échange. À la fin de l’atelier, Cynthia et Carlos sont très contents des solutions proposées à leur défi : comment augmenter les ventes corporatives de l’entreprise ? Nous allons boire un verre avec eux dans un bar connu pour ses bières artisanales. Et c’est très sympa d’apprendre à les connaître dans un contexte moins formel !
Samedi matin, nous retrouvons Hélène - une Française en stage pour une ONG à Lima, qui vient à tous nos événements ! – dans un café pour un appel Skype avec les élèves de la Summer Sense School, un cours intensif sur l'alimentation durable et l'entrepreneuriat social organisé par MakeSense. Puis direction le marché bio de Miraflores où nous attendent des membres du réseau Slow Food pour récupérer fruits et légumes en vue de la Disco Soupe du lendemain. Pas de weekend pour le Food Sense Tour ! C’est un succès, et nous achevons notre collecte près de la Casona de Rick. Le soir, notre squat accueille un spectacle de danse présenté par une troupe de Colombiens qui agrémentent leur show de nouvelles chorégraphies au fur et à mesure de leur voyage. Génial ! Dimanche, à 13h, les invités se joignent aux membres de la Casona pour couper et éplucher en musique. La Disco Soupe se fait en petit comité, mais tous les participants y prennent plaisir. Nous sommes épuisées, mais il nous faut encore aller acheter nos billets de bus et déménager chez Eduardo, notre troisième couchsurfer. Heureusement, lui aussi est fatigué et nous partons tous nous coucher après une rencontre rapide, mais chaleureuse ! C’est un jeune parapentiste passionné, à la bonne humeur et au sourire contagieux.
Lundi est une journée bien chargée : le matin, rencontre avec les jeunes d’Empanacombi, le soir, MKSRoom ! Cynthia nous emmène dans l’association avec laquelle travaille Empanacombi. Une quinzaine de jeunes – certains sont sourds, d’autres muets – nous y attendent, prêts pour la démonstration. Ils entament une chanson, certains jouent sur des caisses en bois, d’autres sur de longs bâtons, d’autres encore chantent en langue des signes, accompagnés par la voix de Maria Elena, leur incroyable professeur. C’est magique ! En plus de l’émotion que génère ce concert atypique, la musique est vraiment enthousiasmante ! Nous passons ensuite en cuisine, où nous rencontrons l’équipe qui produit les fameuses empanadas. Après avoir discuté longuement avec Maria Elena de son travail prodigieux (elle dirige aussi une école pour jeunes handicapés, unique en son genre), nous repartons enchantées de cette matinée. De retour à la Casa de la Juventud, les préparatifs se font dans la bonne humeur, teintée d’une légère appréhension qui disparait quand nous voyons arriver les gens dès 18h30. La soirée est un succès, même si Liz, du restaurant La Chakra, n’est finalement pas venue. Au moins 60 personnes ont participé à l’événement, les questions ont fusé, et les empanadas se sont vendues comme des petits pains ! Après avoir tout rangé, nous partons boire un verre avec l’équipe de la Casa de la Juventud, et Eduardo, notre couchsurfer.
Le lendemain, après un petit déjeuner copieux et nos adieux à Eduardo qui part travailler, nous avançons sur la campagne de crowdfunding d’Empanacombi. Puis nous partons pour la station de bus, prêtes à quitter Lima sans grands regrets ! Nous nous rendons à Chavín de Huantar, dans la montagne, visiter un site archéologique classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Mais ce n’est pas si simple : à la station de bus, d’abord, la compagnie nous fait prendre un taxi car notre bus ne part pas du terminal. Ensuite, on nous annonce qu’on nous a vendu de mauvais billets et que nos places sont déjà prises. Heureusement ils sont conciliants et nous trouvent des sièges. Une demi-heure après le départ, en revanche, notre bus tombe en panne et nous devons en changer. L’épopée prend heureusement fin et nous arrivons à Chavín, fourbues après ce voyage agité, à 4h du matin.
Ce retour à la nature est salvateur. Après quelques heures de sommeil, nous nous levons sous un soleil radieux et un ciel d’un bleu limpide, sans l’ombre d’un nuage ni d’un touriste, encerclées par les montagnes. Nous partons en quête du site archéologique, dont la visite, quoique rapide, est passionnante. Nous nous mouvons à travers les galeries souterraines, découvrons le « lanzón » avec ravissement (il s’agit d’une sculpture de pierre incroyablement bien préservée), et d’autres vestiges de la culture chavín comme la tête zoomorphe qui se trouve derrière le « château », en fait un temple destiné aux rituels. Nous partons ensuite à l’assaut du mirador, qui offre une vue imprenable sur la vallée. Nous finissons notre journée au musée qui recèle de trésors issus du site : d’autres têtes sculptées, l’obélisque qui ornait à l’époque la place centrale… Le tout très bien documenté ! Lorsque nous revenons il est 17h, nous décidons donc de dîner… Le jour suivant, nous nous levons au petit matin pour nous baigner dans les bains thermaux de la ville, situés à 40 minutes à pied du centre. La promenade est très agréable, mais arrivées sur place, nous déchantons un peu : au lieu d’une source naturelle, à l’air libre avec vue sur la montagne, ce sont de tristes baignoires, sales et fermées, qui nous attendent. Maud bat en retraite face à l’odeur de l’eau souffrée, tandis qu’Helene et Marion, plus téméraires, prennent leur bain comme si de rien n’était. De retour au village, nous préparons nos sacs et prenons le bus pour Huaraz, à seulement 3h de Chavín. Arrivées là-bas, nous nous installons dans un café en attendant notre bus du soir, qui nous conduira à Trujillo, une étape indispensable pour gagner les plages du nord. Et là, surprise, nous retrouvons Yann, notre copain français avec qui nous avions passé quelques jours sur les îles du lac Titicaca ! Il nous rejoint plus tard pour dîner avec une amie allemande, Greta (en fait on a oublié son prénom), puis nous embarquons à nouveau, arrivons à Trujillo de (très) bonne heure et cherchons de nouveaux billets pour le soir même. Il faut dire que nous sommes le 10 juillet, soit un mois avant notre départ d’Amérique du Sud alors, pas te temps à perdre ! D’autant plus qu’il nous faudra retourner à Lima pour notre vol de retour, en retraversant l’Équateur…
Arrivées à 5h30 à Mancora, nous montons la tente dans le jardin d'un petit hôtel charmant, sous les cocotiers et face à la piscine ! Trois jours de plage et de détente ont suivi. Dimanche soir, nous décidons de sortir fêter nos six mois de voyage. Nous traversons la ville à la recherche d'un bar sympa. Il n'y a pas grand monde, nous sirotons nos bières en nous remémorant les moments forts de ces six derniers mois. Au moment de rentrer, nous optons pour un moto-taxi, sans savoir ce qui nous attend : le chauffeur va si vite qu'on a l'impression de décoller, il a sans aucun doute débridé son moteur. Il y a aussi un chien qui s'agite à nos pieds, et effraie tellement Marion qu'elle grimpe à moitié sur les genoux de Maud. En dépit du sable qui nous rentre dans les yeux et la bouche, c'est un fou rire général !
Le lendemain, nous passons la frontière avec l'Equateur, septième et dernier pays du Food Sense Tour...